Hubert de Givenchy, 1927 - 2018
- Lisa Andrieu
- 12 mars 2018
- 4 min de lecture

À l'occasion d'une rétrospective, présentée au musée de la mode de la ville de Paris en 1991 et consacrée à ses quarante années de création, Hubert de Givenchy déclare : « Depuis ma plus tendre enfance, je suis passionné de mode et de couture ; dès l'âge de dix-sept ans, je suis entré chez Jacques Fath, qui m'a donné ma chance. J'aurais aimé apprendre mon métier chez Monsieur Balenciaga, mais il en a été autrement... Ma vie, c'est mon métier ! C'est le plus beau, et c'est pour cela que je l'aime tant et que je l'ai choisi. Après quarante années de bonheur, d'imprévus et de joies, je l'aime toujours avec autant de ferveur, et j'y crois. »
Hubert de Givenchy s'en est allé le 10 mars 2018 à l'âge de 91 ans. Né le 21 février 1927, le couturier a, dès son plus jeune âge, la mode pour passion mais aussi pour vocation. Comme le raconte l'historienne de la mode Catherine Join-Diéterle, l'un de ses plus beaux et marquants souvenirs d'enfance reste la visite du pavillon de l'Élégance lors de l'Exposition internationale de 1937. C'est alors qu'à peine dix ans plus tard, et ce avec le soutien de sa mère mais les réserves du reste de sa famille, il rejoint la maison de couture de Jacques Fath avant de découvrir celles de Robert Piguet, Lucien Lelong puis celle d'Elsa Schiaparelli dont il devient le styliste de la boutique en 1947. Auprès de Fath, il découvre un univers couture sensuel et parfumé ; auprès de Piguet, il se familiarise avec une couture davantage classique ; auprès de Lelong, il appréhende une grande maison de couture tandis qu'auprès de Schiaparelli, il explique y avoir travaillé « quatre ans, dans une atmosphère d'élégance et de raffinement comme je n'en avais jamais connue. »
C'est chez Schiaparelli qu'Hubert de Givenchy développe son idée d'une couture plus simple et plus accessible destinée à une femme moderne et active. Il met alors au point, grâce aux stocks de tissus dont la maison Schiaparelli ne veut pas, des « séparables », c'est-à-dire des blouses, des corsages, des vestes à associer à des jupes ou des pantalons pour une allure couture davantage prêt-à-porter. Il ouvre ainsi sa propre maison de couture en 1951 au 8, rue Alfred de Vigny. Sa première collection, acclamée par le public, présente des séparables de jour et de soir conçus presque exclusivement en noir et blanc et accessoirisés de foulards. Le succès est immédiat. La jeune maison se voit alors obligée de repenser son organisation pour répondre efficacement aux demandes de plus en plus nombreuses de nouvelles clientes et s'installe, en 1959, avenue George V.

Hubert de Givenchy conçoit des pièces de haute couture simples allant du manteau à la robe du soir, destinées à une clientèle en quête de modernité, et utilise une palette de couleurs fraîche et empreinte de gaieté. Comme l'explique Catherine Join-Diéterle : « Fantaisie et imagination restent la source de son inspiration, et c'est de l'équilibre continuellement retrouvé entre ces deux tendances que naît "le style Givenchy". Ce qu'il propose aux femmes, c'est la rigueur sans rigidité, la nonchalance sans laisser-aller, précisant par un détail, généralement le chapeau, l'esprit de son modèle. […] Le vêtement habille la femme qui, en réponse, l'habite. »








Cependant, Hubert de Givenchy considère que sa rencontre en 1953 avec le maître Cristóbal Balenciaga représente sa première véritable leçon de mode. Le couturier admire le maître espagnol depuis sa plus tendre enfance et, alors âgé d'une dizaine d'années, n'avait pas hésité à se rendre seul à Paris pour tenter de rencontrer l'architecte de la mode. Il déclare : « Balenciaga, cela a été la grande révélation, la grande découverte de mon métier parce que rien, chez lui, n'était laissé à la facilité. […] Si je n'avais pas connu Balenciaga, peut-être n'aurais-je rien su de la vérité de la mode ». Admirant et glorifiant l'exigence et la prouesse technique de la haute couture Balenciaga, une amitié profonde naît entre les deux hommes. Le maître conseille l'élève jusqu'à la mort du premier en 1972.
1953 est une année importante dans la vie d'Hubert de Givenchy puisque, non seulement il rencontre son mentor, mais également celle qui deviendra sa muse et son amie, Audrey Hepburn. Alors qu'elle souhaite qu'il réalise ses costumes pour le film Sabrina, Hubert tombe sous le charme élégant et simple d'Audrey. Celle qui a pu s'acheter son premier manteau Givenchy grâce au cachet du film Vacances romaines, déclare à propos du couturier : « je pense lui rester fidèle toute ma vie. Vous vous demandez peut-être pourquoi j'attache autant d'importance à Givenchy ? Parce qu'il fait des vêtements de qualité qui combinent la simplicité et la beauté ». C'est ainsi que l'héroïne de Breakfast at Tiffany's porte aussi bien les créations de son ami à la ville mais aussi à l'écran (Funny Face, Charade, How to Steal a Million?, Ariane ou encore Paris, When it Sizzles). Hubert de Givenchy crée systématiquement en pensant à Audrey qui incarne, selon lui, un idéal féminin.






En 1958, sur les conseils de Cristóbal Balenciaga, Hubert de Givenchy se lance dans les parfums avant de démarrer, dix ans plus tard, une ligne de prêt-à-porter féminine et masculine tout en continuant la haute couture. En 1988, le couturier décide de vendre sa maison au groupe LVMH avant de se retirer en 1995.


Témoin de son époque, acteur de son temps et figure historique de la mode, Hubert de Givenchy laisse derrière lui une empreinte unique sur l'histoire de la couture et du prêt-à-porter, une empreinte marquée par la quête de l'élégance intemporelle.

source : JOIN-DIETERLE Catherine, Givenchy, 40 ans de création, Paris, Musée de la mode et du costume, Paris-Musées, 1991.
Comments